En visant l'éditorialiste de LCI, le leader des Insoumis a provoqué une vague de réprobations. Suite à cela, la journaliste a dû être mise sous protection policière. Cet incident s'inscrit dans une série d'interactions conflictuelles entre Mélenchon et les médias.
Jean-Luc Mélenchon a depuis quelque temps des critiques envers la journaliste Ruth Elkrief. Selon lui, elle serait « islamophobe ». Le 3 décembre, l’ex-candidat à la présidence a exprimé sans détour son désaccord avec l’éditorialiste de LCI.
Il l’accuse d’être « manipulatrice » et de s’indigner uniquement en l’absence d’injures envers les musulmans, dans une publication sur X. Il en profite pour applaudir Manuel Bompard, son proche collaborateur, qui était alors présent sur le plateau de la chaîne appartenant au groupe TF1 pour un débat sur la situation au Proche-Orient. Mélenchon conclut en affirmant qu’Elkrief a une vision politique réduite à son mépris des musulmans.
Ruth Elkrief. Manipulatrice. Si on n’injurie pas les musulmans, cette fanatique s'indigne. Quelle honte ! Bravo @mbompard pour la réplique. Elkrief réduit toute la vie politique à son mepris des musulmans.
— Jean-Luc Mélenchon (@JLMelenchon) December 3, 2023
Jean-Luc Mélenchon a provoqué un large éventail de critiques, venant tant des journalistes que des politiciens. Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a déclaré lundi sur BFMTV avoir décidé de placer Ruth Elkrief sous protection policière. Il a critiqué Mélenchon pour avoir, selon lui, exposé Elkrief à des risques supplémentaires, compte tenu des menaces qu’elle a déjà reçues en tant que journaliste. Darmanin a dénoncé ce qu’il considère comme l’« irresponsabilité » du leader de La France Insoumise. De son côté, le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, a décrit le tweet de Mélenchon comme une « attaque ignoble » lors d’une intervention sur RTL.
« Le groupe TF1 exprime un soutien inébranlable envers Ruth Elkrief et condamne fortement les attaques haineuses et les sous-entendus inappropriés dont elle est victime », a annoncé le groupe audiovisuel sur X. En réponse, Jean-Luc Mélenchon a critiqué TF1 pour défendre un journalisme basé sur les accusations et les attaques personnelles, surtout en l’absence de la personne visée qui ne peut se défendre. Il estime que ces pratiques discréditent leurs auteurs.
Dans les rangs de la gauche, la réaction de Mélenchon a suscité l’exaspération. Marine Tondelier, dirigeante d’EELV, a réagi au tweet de Mélenchon par un simple « Efface ». Le même jour, elle a ironiquement suggéré la création d’un « compte pénibilité » pour les partenaires de Mélenchon au sein de la Nupes, exprimant sa lassitude et sa tristesse face aux divisions à gauche. Son commentaire a provoqué la colère des partisans de l’Insoumis. René Pilato, député LFI, lui a rétorqué que critiquer Mélenchon, surtout en lui donnant des ordres, ne sert qu’à se mettre en avant sur les réseaux sociaux sans apporter d’argumentation valable.
« Jean-Luc Mélenchon, tu fais fausse route ! » a également lancé Jean-Christophe Cambadélis, ancien premier secrétaire du Parti socialiste. « Ruth Elkrief est sous protection policière ! Tu comprends ce que cela implique. Un arrêt des hostilités verbales entre ceux qui visent les Juifs et ceux qui visent les Musulmans serait le bienvenu en France », a-t-il ajouté.
Mathilde Panot, présidente du groupe parlementaire des Insoumis, a défendu Mélenchon et ses collègues. « Des dizaines d’entre nous sont menacés de mort par l’extrême droite », a-t-elle déclaré. « Nous assurons notre propre sécurité, sans aucune aide de l’État. Et Darmanin offre une protection à une journaliste pour un tweet. C’est absurde », a-t-elle ajouté.
Depuis deux mois, Jean-Luc Mélenchon et son entourage font face à de nombreuses polémiques. Sa réticence à qualifier le Hamas de groupe « terroriste » a contribué à la fin de la Nupes. Il a également intensifié ses critiques envers le Crif et est accusé d’avoir tenu des propos pouvant être interprétés comme antisémites. Depuis longtemps, il entretient des rapports conflictuels avec les médias, s’inscrivant dans une stratégie populiste pour représenter un vote « anti-système », comme il l’exprime dans ses livres.
« Les interviews sont devenues plus agressives et pleines d’invectives », constate une dirigeante Insoumise. « Quand je vais sur un plateau, je m’attends à un combat, pas seulement à défendre mes idées, mais à contrer des propos qui ne sont pas les nôtres. » Elle défend l’Insoumis, qui n’a jamais été condamné pour antisémitisme.
« Je ne connais pas la religion de Ruth Elkrief et cela ne m’intéresse pas. Lorsqu’on critique les agissements de quelqu’un, c’est la personne elle-même qui est visée. Je pense qu’on a encore le droit d’exprimer ses pensées sans être accusé d’antisémitisme. On ne doit pas s’autocensurer », estime-t-elle. La direction de LFI a récemment intensifié le débat sur divers sujets, dans l’espoir d’attirer les abstentionnistes. « Si une vague de rejet émerge, elle les emportera », a écrit Adrien Quatennens, ancien proche de Mélenchon.